ANNE SAUSSOIS "Walking Watching"
28 mai - 28 juin 2014
vidéo de présentation de l'exposition
(newsartoday.tv)
WALKING WATCHING
Devant l’ensemble d’œuvres de Anne Saussois,
l’œil est tout d’abord saisi par la couleur. L’artiste se fixe des limites en
n’utilisant que le noir et les trois couleurs primaires, mais la superposition
des lavis à la peinture acrylique lui permet d’obtenir une gamme de nuances
subtiles et de créer, dans l’espace du tableau, un jeu de transparence et de
profondeur. Le réseau de lignes et de formes géométriques qui structure ses
toiles est inspiré par ses impressions de l’architecture lors de ses promenades
en ville. L’artiste ne peint pas l’architecture, mais la sensation du
déplacement dans l’espace urbain. D’où l’équilibre précaire que révèle un grand
nombre de ses toiles. Des lignes affirmées, dessinées aux traits larges,
peuvent suggérer le contour d’un toit, d’une fenêtre ou d’un escalier,
tandis que des traits plus discrets entraînent le regard vers le fond de
l’espace pictural, dans la charpente intérieure de constructions improbables.
Parfois, l’illusion de perspective taquine le regard, mais les lignes de fuite
ne conduisent nulle part, et les bribes d’architecture semblent prêtes Ã
basculer à tout moment. D’une peinture à l’autre, l’artiste met en scène un
mouvement rythmé par la géométrie et la couleur.
Partir à la découverte d’une ville à pied, en
dehors des chemins battus, est pour Anne Saussois une source inépuisable
d’inspiration. En se promenant avec son carnet de croquis ou son appareil
photo, elle se laisse surprendre par son regard. Réceptive à l’émotion suscitée
par un certain aspect de l’architecture, ou par la qualité de la lumière, elle
en prend note pour reconstituer ses impressions sur toile. Dans son atelier,
elle travaille sur plusieurs peintures à la fois, d’une part pour voir la
prolongation des lignes et des formes d’une toile à une autre, et d’autre part
pour se maintenir en « état de balade ».
Cette passion pour la promenade et pour
l’architecture s’éveille en 1970, année qu’elle passe en Tunisie avec une
équipe de l’Unesco chargée de la sauvegarde de la Médina de Tunis. Elle arpente
la ville, dessine ses monuments, apprend à la connaître de l’intérieur, en
profondeur.
À partir de 1993, Anne Saussois commence Ã
enseigner dans une école d’architecture. Les projets qu’elle mène avec ses
étudiants enrichissent également son regard et sa réflexion.
L’art de Anne Saussois s’inscrit dans la riche
lignée de la peinture moderne, en allant du cubisme, du constructivisme et du
néoplasticisme jusqu’à l’expressionnisme abstrait américain. Elle ne cesse de
regarder la peinture de Fernand Léger, de Mark Rothko et de Sean Scully, et
celle du danois Richard Mortensen. Remontant plus loin dans le temps, elle
s’inspire également des œuvres des primitifs italiens. Elle en reprend parfois
les compositions spatiales.
Anne Saussois part à la quête des formes, de la
lumière et de la transparence qui surgiront plus tard dans les géométries
précaires de ses œuvres : fragiles
apparences.
Diana Quinby
Je suis impressionné par l’engagement d’Anne
Saussois à tracer sa propre voie en tant que femme peintre. J’ai d’abord
découvert son « versant américain » à travers son amitié pour la
compositrice américaine Elizabeth Vercoe et son amour des grands espaces que traduisent
ses tableaux. Puis son intérêt pour l’art des autres et pour des formes
d’expressions qui peuvent sembler éloignées de sa propre pratique. Et aussi son
féminisme avec sa participation à l’émergence d’une nouvelle prise de
conscience et de la parole des artistes femmes dans les années 70.
Si sa peinture se détache de son itinéraire
personnel et que ses tableaux visent à l’autonomie, il me semble pourtant que
l’on perçoit mieux la singularité de leur exigence si l’on apprend à les voir,
et que l’on découvre peu à peu d’où ils viennent.
Arnaud Lefebvre