DIANA QUINBY "Portrait d'artiste"
26 février-7 mars 2015
DIANA QUINBY
Portrait d’artiste
26 février – 7 mars 2015
Intervention de Diana Quinby
« Se projeter dans un
corps qui architecture l’espace pictural, se perdre dans les traits qui
auscultent et décrivent la peau, écrivent la peau, racontent une
histoire et une expérience du corps. Depuis dix ans, j’explore le corps en
dessin, le plus souvent le mien mais aussi celui de mes proches. Je me glisse
dans la peau de l’autre, creuse le lien par le biais du trait. Ce n’est sans
doute pas le hasard si j’ai commencé ce travail graphique après de longues
années de recherche et de rédaction d’une thèse sur les artistes femmes et sur
les rapports parfois contradictoires entre l’art et le féminisme en France dans
les années 1970. Ma recherche m’a amené dans l’atelier de nombreuses artistes
qui, il y a maintenant quarante ans, commençaient leur carrière artistique.
J’ai écrit sur leurs œuvres, leur parcours, leur désir d’être artiste. Mon
expérience de l’écriture sur l’art d’autres femmes m’a amené à m’interroger sur
ma pratique graphique et mon désir de créer. Cette exposition dans le cadre du
cycle Portraits d’Artistes à la galerie Arnaud Lefebvre est donc pour moi une
invitation à « m’exposer », à tisser des liens entre le corps, l’écriture et
l’affirmation de soi. »
Diana
Quinby est une artiste d’origine américaine, installée en France depuis vingt ans.
Elle a une pratique essentiellement graphique de dessin et de gravure. Elle a
été imprimeur-lithographe lors de son arrivée à Paris. Elle a également fait
des études en histoire de l’art et a soutenu sa thèse de doctorat en 2003 à
l’Université Paris-1 Panthéon Sorbonne.
« When in front of my sheet of paper, I project myself into the
figures that structure the pictorial space. I lose myself in the lines that
probe and depict the skin, that write
out the skin’s surface, describing a history and experience of the human
body. For ten years now I’ve been exploring the body through drawing. Most
often, the body I’m looking at is my own, but sometimes it’s the body of people
who are close to me. I “get under their skin”, examine our relationship through
the use of line. It’s no coincidence that I began these drawings after having
completed several years of research and writing for a doctoral thesis on women
artists and the contradictory relationship between art and feminism in France
in the 1970’s. My research brought me to the studios of many artists who, forty
years ago, were beginning their artistic careers. I wrote about their work,
their life choices, their desire to become artists.The experience of writing
about the art of other women has led me to question my own artistic practice
and my desire to create. This opportunity to participate in the series of Portraits of Artists at the Arnaud
Lefebvre Gallery is an in- vitation for me to “exhibit” myself, to explore
connections between the body, writing and self-affirmation. »
Diana Quinby is an artist of American origin
who’s been living in France for twenty years. She’s essentially a graphic media
artist, working primarily in drawing and printmaking. Upon her arrival in Paris
she worked as a lithographic printer. She has also studied art history and
completed her doctoral thesis in 2003 at the University of Paris-1 Panthéon
Sorbonne.
Extraits de la Thèse de Doctorat de Céline Leturcq, Tableau,
la fabrique du sujet, Université de Paris VII Vincennes – Saint-Denis,
2014.
Artiste d’origine
américaine installée en France, Diana Quinby (1967), réalise des portraits, à
travers l’exploration au trait dessiné et gravé, de la nudité de son corps et
de celui de ses proches, parfois habillés, parfois dévêtus. L'artiste se sert
du miroir afin de s'observer, mais également de photographies, imprimées par
ordinateur sur une simple feuille de papier machine. Son dessin s'élabore
minutieusement, trait après trait, par l'intermédiaire de ce document fort
modeste. La densité matérielle de la peau, des visages, des chairs et des
vêtements reprend toute son ampleur grâce à ce travail de dessin d'une grande
tension émotionnelle.
Chez Diana Quinby, il y a
cette exploration du corps comme double d’elle-même et dédoublement de
l’artiste dans le corps des autres au moyen du dessin. Elle se représente récemment,
dans des autoportraits au crayon, à la mine de plomb ou à la sanguine, deux
fois dans le même dessin, corps sans visages et nus, en un geste autopoïétique
d'une grande tactilité : si l'on n'aperçoit pas, dans ces dessins, le visage de
l'artiste, les mains semblent mises en valeur, semi-ouvertes, parfois tenant
une mine de plomb. Pourquoi rencontre-t-elle cette nécessité de dédoubler la
représentation ? Les mains de ces deux corps semblent s’intervertir, dans ce
dédoublement fusionnel en diptyque qu'elle a mis en place avec son mari ou sa
fille. Elle s'y représente au côté d’un torse masculin, ou elle et sa fille
côte à côte, et les postures des membres d’un corps à l’autre semblent
s'interchanger. Gestuelle antique de reproduction de l’altérité de l’autre par
son même, non pas Narcisse mais la codification du réel mis à nu dans la
reconnaissance formelle de l’autre.
Si je peux parler de
corps au pluriel et de façon générique, sans ramener et réduire le propos de
l’artiste à l’inventaire des physionomies du « génie » familial – ce qui
pourrait être le cas en somme puisqu’elle représente très rarement des proches
qui ne soient ni ses enfants ni l’homme qui partage sa vie, c’est sans doute,
quelque part, que Diana Quinby parvient à se dépersonnaliser, en se trouvant
elle-même aux abords du corps des autres, et donc, du sien. Expérience
phénoménologique du corps féminin qui porte l’enfant en gestation et évoque des
oppositions binaires fondamentales : de l'indifférenciation à la
différenciation, de l'ambivalence à la construction, du corps latéralisé et
ambidextre.
D'un corps féminin qui
porte l'enfant en gestation, ce que l'artiste représente dans ses premiers
dessins, en 2005 lors de sa grossesse, Diana Quinby représenterait à présent
les possibilités du sujet à se redéfinir en permanence comme corps, à travers
le sien et celui des autres. Il faut d'ailleurs souligner que les détails et les
proportions, dans les dessins de l'artiste, sont réinventés, par l'entremise
d'une observation sur le vif et de la modestie du support photographique,
qu'elle ne cherche pas à reproduire avec exactitude si ce n'est la réalité
interne des corps qu'elle observe. Du sien en tant qu’artiste, qu'elle voit,
qu'elle dessine, qu'elle décide et retouche, dans sa vérité, en son tracé.